Banc - Catherine Lacey - ★★★★☆

Une personne arrive par hasard dans une petite communauté que l’on devine américaine.
Homme, femme, fille, garçon, noir, blanc, quel âge ?, quelle origine ? Il/Elle ne le sait pas, ne se souvient pas.
Il/Elle ne parle pas :

Les mots paraissaient hors d’atteinte. Les mots ne m’appartenaient pas.

On le nomme alors « Banc » car c’est sur un banc de l’église qu’on l’a trouvé endormi.
Certes Banc ne parle pas, mais il écoute et il regarde.
Il écoute vraiment, il regarde vraiment les gens.
Et les gens parlent, lui parlent pour savoir qui il est, d’où il vient et pourquoi il ne parle pas.
Et dans cette communauté :

Autant les gens aiment parler par ici, autant il y a un sacré paquet de choses qu’ils ne disent pas !

Banc écoute et perçoit derrière le voile d’une communauté pratiquante, d’un voisinage bien sous tous les rapports, les douleurs, les blessures, les hypocrisies.
La perte. Il est souvent question de la perte d’un être cher, de sa vie, de ses repères.
La religion :

Les gens ont un besoin de rectitude pour se permettre de prendre des choses aux autres… d’exercer la violence. Le divin leur offre ça. Donne libre cours à la cruauté…

ou encore

On dirait que les gens qui appartiennent à une grande église souhaitent que ladite église – si vaste, avec tant de pièces – se charge de croire à sa place, mais l’église n’est rien qu’un bâtiment.

Il va rester dans cette communauté un peu moins d’une semaine : du dimanche au samedi. Samedi jour de la fête du village. Une fête spéciale (je ne divulgâche pas).
Chaque jour dans une famille différente. Certains parlent beaucoup (pour ne dire que peu de choses), d’autres sont d’un silence de grande intensité.
Il y a sous la surface bien propre, bien lisse une souffrance diffuse.

Où que tu regardes, les gens souffrent. Certains jours, on pourrait même croire que jusque dans notre pays, les hommes et femmes d’ici se sont retournés les uns contre les autres. Toute cette amertume. Tout le monde veut être celui qui a raison.

Roman très particulier, contemplatif. J’aime les parenthèses contemplatives.
Ici, on contemple la nature, parfois, mais surtout la vie, la vie des gens qui se confient à Banc.
Banc est le confident idéal :

Tu as raison de ne rien dire. Ils n’entendent que ce qu’ils veulent. Plus tu en dis, plus ils s’en serviront contre toi.

Les mots sont superflus.

Nous parcourûmes du temps ensemble.

Un sacré pari que ce roman. Un narrateur muet, insaisissable, pas d’action… C’est osé. C’est difficile à cerner. Mais est-ce que cela prend ?
Oui, mais cela ne prendra pas pour tout le monde.

Peut-être ai-je un indice trouvé dans le roman lui-même.
Banc se décrit comme un corps dans un canoë. Canoë qui passe sur la rivière.
Ce que Banc fait il le recherche chez les autres : ceux qui regardent qui est au fond do canoë.
Si vous voulez au moins pour quelques heures regarder dans le canoë alors ce roman est pour vous.

La fin du roman est énigmatique, comme un glissement hors de la réalité de la communauté.

Le trouver en eBook



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