Chroniques des années noires - Kim Stanley Robinson - 4/5

J’ai lu quelques uchronies comme “Fatherland” de Robert Harris, “Le faiseur d’histoire” de Stephen Fry, “La séparation” de Christopher Priest. “Chroniques des années noires” est aussi une uchronie, mais de plus grande amplitude. Plutôt que nous présenter un monde différent seulement depuis la Seconde Guerre mondiale, ces chroniques remontent au moyen-âge. L’occident d’alors est éliminé par la peste noire. L’islam se répand alors dans une Europe vide. La Chine, qui n’est pas dominée par l’occident, conquiert le Japon. L’Inde est prise en tenaille entre les deux. Les peuples indiens ne sont pas écrasés par les Européens et rencontrent un autre destin.
Une uchronie sur mille ans ? Mais comment construire un roman la dessus. Et bien bien grâce à des personnages récurrents. Des personnages ? sur mille ans ? Pas de panique, il n’y a point de juif errant, mais un groupe de personne qui se réincarnent pour se retrouver parfois dans leur prochaine vie. On voyage ainsi d’époque en époque, de continent en continent pour suivre l’Histoire. On retrouve des personnages dans des rôles différents, mais ayant chacun à sa manière soif de justice et de connaissance.
Les personnages, sans être tous des acteurs majeurs de l’Histoire, ont tous beaucoup de recul et font preuve d’une grande analyse sur eux-mêmes, leur peuple, leur religion.
Car oui il est beaucoup question de religion. Hormis les passages dans le bardo, les grandes religions musulmane, bouddhiste, hindouiste et les cultes divers des Chinois sont là. Certes, point de chrétien à l’horizon. Les différences de culture, de morale, de vision du monde amènent les différents peuples à la confrontation.

C’est un thème uchronique assez courant, je crois. Retirez un dirigeant, un pays, une religion, les tendances profondes de l’humanité étant ce qu’elles sont vous obtiendrez aussi des tyrans, des guerres, des alliances … Pas les mêmes certes, mais au final le nombre de pauvres, de morts restent hélas équivalents.
Il y a dans ce livre beaucoup de réflexions sur la place de la religion, mais surtout de la femme dans la construction du monde. La moitié de l’humanité est toujours rabaissée et doit lutter pour ses droits et son émancipation.

Question rythme : il est inégal et à tendance à diminuer en fin de roman. Les premiers temps sont plus des époques de conquête que de culture. Comme dans notre propre chronologie, la sécularisation de la société arrive lentement. Les premiers chapitres sont donc religieux. Les chapitres intermédiaires sont des chapitres d’émancipation et de lutte. Les derniers chapitres sont les plus ardus : il y a moins d’enjeux pour les personnages et le roman s’oriente plus sur une analyse de l’Histoire de l’humanité.

700 pages donc d’uchronie de grande ampleur temporelle et géographique.
700 pages de réflexions sur notre nature, nos croyances, nos “progrès”.



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